HIB démission en bloc

12 juin 2020 24H, Le conseil d’établissement de l’HIB démissionne en bloc


Les résultats des audits sur les difficultés de l’hôpital valdo-fribourgeois pointent du doigt sa gouvernance.

Après le départ de plusieurs cadres, les Départements de la santé vaudois et fribourgeois avaient confié à des experts externes le mandat de réaliser un examen approfondi de la gouvernance et des finances de l’Hôpital intercantonal de la Broye.
Jean-Paul Guinnard


Tremblement de terre au sein du conseil d’établissement de l’Hôpital intercantonal de la Broye (HIB), sis sur les deux sites de Payerne et Estavayer. Au vu des résultats de deux audits sur les difficultés de la structure, le conseil d’établissement démissionne en bloc. Les conclusions publiées vendredi par les Cantons de Vaud et de Fribourg mettent en évidence des «défaillances» dans la gouvernance.


Les audits pointent la tête de l’institution, constatant notamment que le conseil d’établissement, en «s’impliquant dans de nombreuses tâches au niveau opérationnel, n’est pas parvenu à se concentrer pleinement sur sa responsabilité stratégique». En outre, la direction générale de l’HIB, «marquée par des dissensions qui ont conduit à plusieurs départs, a fait preuve quant à elle de manque de collégialité», souligne le rapport, d’après un communiqué commun des deux Cantons.


Les auditeurs relèvent aussi «une confusion des rôles dans la gouvernance médicale, des tensions et déficits de communication avec les services cliniques, et une perte de confiance du personnel médico-soignant envers ses organes de direction». Ils n’ont en revanche relevé «aucun dysfonctionnement majeur mettant en cause la sécurité des patientes et patients». Après plusieurs exercices déficitaires, le conseil d’établissement doit par ailleurs veiller à un retour à l’équilibre des comptes: «Il s’assurera en particulier que les fonds propres soient à la mesure des investissements et qu’une optimisation du processus de facturation améliore l’état des liquidités.»

La fin des nominations purement politiques?

Dans les recommandations générales du rapport, dont l’intégralité du document a été demandée par «24 heures», les experts suggèrent aux autorités de choisir des profils plus techniques que politiques. «Nous recommandons aux cheffes de département des deux cantons de Vaud et Fribourg de procéder à la désignation d’un nouveau conseil d’établissement pour les membres qui relèvent de leur ressort (ndlr: quatre des six membres et la présidence), dont la composition est axée en premier lieu sur les compétences spécifiques de chacun des membres dans un souci d’efficacité et d’efficience de l’HIB, et non plus sur l’unique base d’une représentation géopolitique.»


Eric Küng, municipal socialiste payernois et membre du conseil nommé par l’Exécutif vaudois, n’a pas souhaité faire de commentaire. Charly Haenni, président démissionnaire, se montre plus loquace: «Nous partageons l’ensemble de ces critiques et nous partons volontairement pour permettre à l’institution de redémarrer sur de nouvelles bases, assure-t-il. Nous sommes usés après avoir avancé de crise en crise. En 2020, nous ne pouvons plus nous contenter de représentants politiques de la région. Il faut de vrais gestionnaires de la santé. Nous avions de belles compétences autour de la table, mais nous en connaissons les limites.» Le Fribourgeois sait de quoi il parle. Il a été président du Parti libéral-radical de son canton et député de nombreuses années durant. A-t-il accédé à la présidence grâce à son CV politique? «J’ai été désigné suite à mes années d’expérience de direction au sein de la Vaudoise, alors 1500 EPT (équivalent plein-temps) et 1 milliard de francs de chiffre d’affaires. Si cela avait été uniquement un choix politique, j’aurais refusé», insiste-t-il.

«En 2020, nous ne pouvons plus nous contenter de représentants politiques de la région. Il faut de vrais gestionnaires de la santé.»

Charly Haenni, président démissionnaire du conseil d’établissement du HIB

Rebecca Ruiz, conseillère d’État vaudoise en charge du Département de la santé et de l’action sociale, lance avec Anne-Claude Demierre, son homologue fribourgeoise, un appel à candidature pour le conseil d’établissement. Elle indique qu’une commission de sélection, composée de deux experts externes ainsi que de représentants des deux cantons, va être mise sur pied. «Les compétences spécifiques médicales et de gestion hospitalière vont l’emporter sur tous les autres critères, affirme-t-elle. L’ancrage régional des candidats et une juste représentation des sensibilités sont aussi des paramètres importants. Mais l’HIB, comme les autres établissements hospitaliers, doit faire face à un environnement de plus en plus complexe en termes d’organisation des soins et de gestion financière. Il est donc nécessaire de fonder le choix des membres sur des critères d’expertise.»


Du côté de l’hôpital, on signale dans un communiqué que les audits ne sont pas restés sans suite: «Des actions correctives sont déjà mises en œuvre.» En outre, le conseil d’établissement actuel mettra un terme à son mandat dès que les nouveaux membres auront été nommés, «au plus tard cet automne».

Extension de l’hôpital suspendue

Pour faire face au vieillissement et à l’accroissement de la population, l’Hôpital intercantonal de la Broye (HIB) doit développer ses infrastructures, notamment le site de Payerne. En ce sens, le projet Acte III avait été présenté en mai 2019 comme le lauréat d’un mandat d’études parallèles. Devisé dans un premier temps à 60 millions de francs, son changement le plus symbolique consistait à déplacer l’entrée principale au sud, du côté de l’avenue de la Colline, au lieu du nord-est comme c’est le cas depuis la construction du site, au début des années 1970.

Finalement, en comptant tous les équipements, le projet avoisine les 100 millions de francs. Étant donné la situation financière délicate de l’HIB, qui a notamment bouclé 2019 sur un déficit de 1,8 million, le projet est suspendu. «Il n’est pas renvoyé aux calendes grecques, rétorque Charly Haenni, président démissionnaire du conseil d’établissement. L’extension est bien dimensionnée mais nous devons être dans les chiffres noirs pour la réaliser. Elle pourra cependant être adaptée ou réalisée étape par étape.»

Rebecca Ruiz, conseillère d’État vaudoise en charge du Département de la santé et de l’action sociale, est moins optimiste: «Il n’y a pas d’horizon à ce stade concernant l’agrandissement du site, soutient-elle. Le futur conseil d’établissement devra rapidement nommer un ou une directrice générale ainsi qu’un ou une directrice médicale. Ensuite, selon la stratégie de l’institution, le projet sera adapté. L’HIB n’a pas les moyens d’investir près de 100 millions de francs.»